Présenté en conseil des ministres le 18 juin 2018, le projet de loi relative à la croissance et la transformation des entreprises – dite Pacte, a finalement été adopté en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 11 avril dernier. Après des mois de décalage, ce texte a été adopté par 147 voix pour et 50 contre et 8 abstentions. Son adoption fait suite au rejet en bloc du texte par le Sénat, le mardi 9 avril.
De nombreuses mesures sont d’application différée et nécessiteront d’être mises en œuvre par voie de décret d’application, voire d’ordonnance.
Attention : elle est en attente de validation par le Conseil constitutionnel.
Ce projet de loi a un impact sur de nombreux domaines touchant la vie de l’entreprise artisanale, qu’elle emploie ou non des salariés, ainsi que sur l’environnement du secteur artisanal, notamment consulaire, et a fortement mobilisé l’U2P et CMA France durant de nombreux mois.
En voici les principales mesures.
Vie des entreprises
Par souci de simplification, le projet de loi Pacte prévoit de substituer aux différents réseaux de centres de formalités des entreprises un guichet unique électronique pour toutes les entreprises, quels que soient leur activité, lieu d’implantation et forme juridique. Cela supprimera par exemple les coûts relatifs à une double immatriculation RM / RCS. Une plateforme en ligne sera ainsi l’unique interface pour créer son entreprise.
Il envisage également la création, par voie d’ordonnance, d’un registre dématérialisé des entreprises. Le registre général dématérialisé aura pour finalité de collecter, conserver et diffuser l’ensemble des informations concernant les entreprises. Il permettra ainsi d’éviter la redondance des informations et la complexité pour certaines entreprises de devoir s’immatriculer dans deux registres différents. Les chambres consulaires disposeront d’un accès permanent et gratuit aux informations contenues dans ce registre.
Le projet de loi Pacte prévoit de rendre facultatif le stage de préparation à l’installation que sont normalement tenus de suivre les artisans lors du lancement de l’activité. Cette mesure, qui aboutit de facto à une suppression, est présentée comme destinée à réduire les coûts et les délais de la création d’entreprise artisanale.
Il reviendra également moins cher de faire publier une annonce judiciaire et légale : la démarche pourra s’effectuer sur des journaux en ligne publiant des contenus locaux, ou bien par une publication de presse. Les journaux d’annonce légale ne sont donc pas supprimés.
Le projet de loi Pacte organise l’harmonisation et l’automatisation de la procédure de radiation.
Aujourd’hui, si un entrepreneur ne réalise aucun chiffre d’affaires pendant deux ans, il est radié de son régime de sécurité sociale. Or, cette radiation n’a pas pour effet de le désinscrire des autres fichiers administratifs (services fiscaux, registre du commerce et des sociétés, répertoire des métiers et répertoire SIRENE).
Le projet de loi Pacte prévoit que la radiation du régime de sécurité sociale entraîne la radiation de tous les autres répertoires administratifs. Par ailleurs, la procédure de radiation deviendra automatique. L’entrepreneur n’aura plus à déposer une déclaration de cessation d’activité, il pourra néanmoins s’y opposer une fois informé.
Le projet de loi Pacte prévoit, afin de mieux protéger les droits du conjoint du chef d’entreprise travaillant au sein de l’entreprise familiale, qu’à défaut de déclaration d’activité professionnelle ou de choix d’un des statuts (collaborateur, associé ou salarié), l’application par défaut du statut de conjoint salarié est imposée. Le conjoint devrait bénéficier de ce fait du statut le plus protecteur.
Le Projet de loi Pacte prévoit diverses mesures visant à inciter les entrepreneurs à s’installer en EIRL.
Toute personne physique souhaitant exercer une activité professionnelle en nom propre devra obligatoirement déclarer, lors de la création de son entreprise, si elle souhaite exercer en tant qu’entrepreneur individuel ou sous le régime de l’EIRL.
Pour bénéficier du statut d’EIRL, l’entrepreneur doit actuellement déposer au registre du commerce une déclaration mentionnant, notamment, les biens affectés à l’activité professionnelle, leur nature et leur valeur.
Le projet de loi Pacte prévoit qu’une EIRL pourra n’affecter aucun bien à son patrimoine professionnel. Ainsi un EIRL pourra débuter son activité à partir de rien.
De plus, le non-respect des règles applicables à la déclaration du patrimoine affecté ne conduira plus à la perte du statut d’EIRL.
Lorsque l’EIRL est mis en liquidation judiciaire, la faillite personnelle peut être prononcée à son encontre s’il s’avère qu’il a disposé de ses biens professionnels comme s’il s’agissait de ses biens personnels.
Ce risque est purement et simplement supprimé avec le projet de loi Pacte.
Actuellement, l’EIRL doit faire évaluer par un expert les actifs d’une valeur unitaire supérieure à 30 000 € qu’il entend affecter à son patrimoine professionnel.
Cette obligation est également supprimée par le projet de loi Pacte.
Vie du secteur artisanal
En ce qui concerne la réforme des réseaux consulaires pour notre secteur, les chambres de métiers et de l’artisanat seront organisées au niveau régional.
De plus, après chaque renouvellement général, les chambres de métiers et de l’artisanat de niveau régional et les CCI de région devront établir un plan des actions ayant vocation à être mutualisées dans l’intérêt des entreprises de leur ressort.
En ce qui concerne les actions collectives de communication et de promotion à caractère national en faveur de l’artisanat et des entreprises artisanales, rappelons que le gouvernement a supprimé depuis le 1er janvier 2018 la taxe fiscale affectée qui alimente le FNPCA, qui a pourtant contribué à installer durablement dans l’esprit du public une image positive de l’artisanat (« L’Artisanat, Première entreprise de France »).
Le projet de loi Pacte prévoit de faire porter aux organisations interprofessionnelles d’employeurs intéressées par l’artisanat la responsabilité de conclure un accord permettant de mener des actions collectives de communication et de promotion, en instituant une contribution privée, portée par un organisme privé.
Vie sociale de l’entreprise : seuils d’effectifs et épargne salariale
Le projet de loi Pacte prévoit ainsi trois catégories de mesures portant sur les seuils d’effectifs :
- une harmonisation du mode de calcul des effectifs salariés en étendant à d’autres législations le mode de décompte des effectifs actuellement prévu dans le code de la sécurité sociale,
- une rationalisation des seuils d’effectifs existants (en regroupant ceux se situant à des niveaux proches et en réduisant, dans une certaine mesure, le nombre de seuils de vingt salariés, puis en supprimant certains seuils intermédiaires),
- l’instauration d’un mécanisme unifié d’atténuation des effets de seuils qui prévoit, d’une part, qu’un seuil n’aura d’incidence pour une entreprise que s’il est dépassé durant cinq années consécutives et, d’autre part, qu’un seuil perdra ses effets contraignants pour une entreprise dès que cette dernière se situera, ne serait-ce qu’une année seulement, en dessous de ce seuil.
En plus des seize dispositifs du code de la sécurité sociale qui prévoient un seuil d’effectif, et pour lesquels ces modalités de calcul sont déjà appliquées, le nouvel article L. 130-1 du code de la sécurité sociale s’appliquera notamment aux mesures suivantes :
- contrepartie sous forme de repos obligatoire en heures supplémentaires,
- mise en œuvre de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (mais pas le nombre de salariés déclenchant l’obligation, qui reste bien fixé à 20),
- participation des employeurs au financement de la formation professionnelle,
- droit à rémunération en cas de projet de transition professionnelle,
- bénéfice de l’aide unique aux employeurs d’apprentis,
- assujettissement à la contribution supplémentaire à l’apprentissage,
- abondement du compte personnel de formation à la suite d’obligations non satisfaites en matière d’entretien professionnel et de formation,
- assujettissement à la Peec (participation des employeurs à l’effort de construction) et au versement transport.
Par ailleurs, l’établissement d’un règlement intérieur ne serait plus obligatoire dans les entreprises et établissements d’au moins 20 salariés. Cette obligation ne s’appliquerait qu’au terme d’un délai de 12 mois consécutifs à compter de la date à laquelle le seuil de 50 salariés a été atteint.
De plus, l’article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 subit un toilettage rédactionnel : actuellement, l’obligation d’immatriculation au RM ou au registre des entreprises concerne les personnes physiques et les personnes morales qui n’emploient pas plus de dix salariés. Avec le projet de loi Pacte, les personnes physiques et les personnes morales concernées devront employer moins de onze salariés.
De la même manière, pour qu’une entreprise puisse demeurer immatriculée au répertoire des métiers ou au registre des entreprises (autrement dit le droit de suite), son effectif devra atteindre ou dépasser 11 salariés tout en restant inférieur à 250 et non plus à 50 comme c’est le cas actuellement.
Enfin, les entreprises de moins de 11 salariés ne seront plus exonérées de forfait social au titre des contributions versées au bénéfice des salariés, anciens salariés et ayants-droit pour le financement de la prestation complémentaire de prévoyance.
En matière d’épargne salariale, le projet de loi Pacte avait initialement prévu d’exonérer de forfait social les sommes versées par les entreprises les plus petites. Ces dispositions ont finalement été adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, pour accélérer leur entrée en vigueur.
Afin de favoriser le développement de l’épargne salariale, la nouvelle règle de franchissement des seuils, qui dispose qu’un seuil n’a d’incidence pour une entreprise que s’il est dépassé durant cinq années consécutives, ne s’applique pas au seuil d’un salarié, tant pour l’intéressement que pour la participation.
De plus, une règle spécifique est prévue pour déterminer la date à laquelle l’obligation de négocier sur la participation s’impose à l’entreprise : l’obligation s’applique à compter du premier exercice ouvert postérieurement à la période des cinq années civiles consécutives pendant lesquelles le seuil de 50 salariés est dépassé.
Les anciennes obligations de négociation de branche sur l’intéressement et la participation, dont l’échéance était fixée au 31 décembre 2017, sont abrogées. Le texte prévoit désormais qu’une négociation en vue de la mise en place d’un régime d’intéressement, de participation ou d’épargne salariale est menée au sein de chaque branche.
Les régimes ainsi définis, auxquels les entreprises de la branche peuvent se référer, doivent être adaptés aux spécificités des entreprises employant moins de 50 salariés.
Enfin, le partenaire du chef d’entreprise lié par un Pacs, s’il a le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé, pourra bénéficier effectivement d’un versement au titre de l’intéressement, de la participation et de l’épargne salariale, au même titre que le partenaire du chef d’entreprise lié par le mariage.
Source : CNAMS – Avril 2019